13 leviers pour décrypter le comportement de santé des patients chroniques

Pour mieux comprendre le modèle théorique SPUR, rendez-vous sur notre site dédié www.spur-research.com

 

Le comportement humain est à la fois prévisible et imprévisible, rationnel et irrationnel. Dans de nombreux domaines, des chercheurs ont essayé de comprendre les éléments qui motivent la prise de décision.

 

S’agissant du comportement des patients, l’objectif des études comportementales est essentiel : traiter la non-observance, c’est-à-dire la mesure dans laquelle les patients rencontrent des difficultés à suivre leur traitement conformément aux recommandations des professionnels de santé.

 

À l’échelle mondiale, on estime à plusieurs centaines de milliards de dollars le coût évitable lié à la non-observance thérapeutique. Seulement 50 % des médicaments prescrits pour les maladies chroniques sont effectivement pris par les patients. Cela représente une perte énorme. En effet, l’OMS et les chercheurs en santé estiment que l’amélioration de l’observance pourrait avoir un impact plus important que n’importe quel médicament ou nouveau traitement.

 

Comme l’indique le Dr John Piette, directeur du Center for Managing Chronic Disease à l’Université du Michigan, on pense souvent que les patients ne prennent pas leur médicament par oubli. En réalité, dans la plupart des cas, il existe d’autres raisons plus complexes qui ne sont pas forcément abordées lors des consultations, trop rares ou trop courtes, avec leur médecin. Peut-être les patients considèrent-t-ils qu’ils n’ont pas besoin de leur traitement, peut-être ont-ils le sentiment de prendre trop de médicaments, peut-être n’ont-ils pas conscience de l’importance ou de la gravité de leur maladie. 

 

Dans ces circonstances, comment comprendre et trouver des solutions à ces cas, complexes et uniques, de non-observance ?

Différentes perspectives viennent alimenter la science de la compréhension du comportement des patients. On peut notamment citer les études appliquées du comportement des consommateurs, les études psychologiques ou médicales du comportement individuel et les études économiques et sociologiques du comportement en groupes.

 

Toutes ces perspectives contribuent à mesurer l’ensemble des aspects du comportement. Après de nombreuses années de recherche, Observia et un comité d’experts ont mis au point le modèle SPUR™. Ce modèle agrège plusieurs décennies de sciences comportementales et permet de structurer les leviers comportementaux des patients, dans le but d’améliorer l’observance grâce à des interventions personnalisées en fonction du profil comportemental de chaque patient.

Cet article présente le modèle SPUR™ et ses 13 leviers comportementaux.

 

Les théories fondatrices à l’origine du modèle SPUR™

De multiples théories ont été développées pour décrire les différents aspects du comportement des patients. Les concepteurs de SPUR™ se sont appuyés sur un grand nombre de ces théories pour construire un modèle complet permettant de décrire les comportements et, surtout, de comprendre les motivations et les circonstances à l’œuvre dans ces comportements. Quelques-unes des principales théories ayant contribué au développement de SPUR™ sont présentées ci-après. 

 

La théorie COM-B permet de synthétiser les facteurs importants qui déterminent le comportement du patient pendant le traitement. Le comportement (Behavior) est le résultat des influences combinées de la Capacité, de l’Opportunité et de la Motivation.[ii] Imaginons ici que le comportement est l’activité physique. Quelqu’un qui dort bien (capacité physique), qui a suffisamment de temps dans la journée (opportunité) et qui est motivé sera davantage susceptible de pratiquer une activité physique que quelqu’un qui ne répond pas à ces critères.

 

D’autres modèles se sont axés sur les croyances et l’état mental du patient. L’objectif d’un des premiers de ces modèles, le modèle de croyances en santé (Health Belief Model, HBM), développé dans les années 1950, était d’expliciter les raisons pour lesquelles les personnes prennent leurs décisions liées à la santé. Ce modèle postulait que les croyances d’une personne, à la fois dans la sévérité de la maladie et dans l’efficacité du traitement proposé, déterminent son adhésion au traitement. Un patient atteint d’un cancer qui ne croit pas en l’efficacité de la chimiothérapie ou en la sévérité potentielle de la maladie pourrait choisir des thérapies alternatives.

 

La théorie Ajzen du comportement planifié (TCP) peut également être utilisée pour analyser le comportement lié à la santé, en ajoutant 1) la capacité du patient à adopter ce comportement et 2) la perception par le patient des normes sociales relatives au comportement. Cette théorie permet de mieux comprendre le patient atteint d’un cancer en tenant compte de sa situation personnelle, notamment de ses capacités financières et physiques, ainsi que de l’opinion de son cercle social sur les traitements médicaux et son influence sur les décisions du patient en matière de santé. Cependant, comme la TCP n’a pas été spécifiquement conçue pour analyser le comportement lié à la santé, elle n’étudie pas les facteurs psychologiques qui influencent le comportement des personnes atteintes de maladies chroniques, comme la confiance en l’autre ou dans les autorités médicales, l’effet de la maladie sur la perception que le patient a de lui-même et la tendance individuelle à se concentrer sur les bénéfices immédiats plutôt que sur les potentiels bénéfices futurs.

 

Le modèle transthéorique de changement ou de la disposition au changement[v] peut être utilisé afin d’ajuster les interventions au stade de changement de comportement du patient. Ces stades de changement peuvent être illustrés par l’exemple de l’arrêt du tabac. Le patient commence par le stade de « pré-contemplation », où il n’envisage pas encore d’arrêter de fumer. Il finit par décider d’arrêter de fumer, et entre dans une phase d’« action », avant de réussir et enfin d’entrer définitivement dans une phase de « maintien ». L’état d’esprit du patient et ses capacités varient fortement d’un stade à l’autre, et il va donc répondre différemment aux stimuli extérieurs en fonction du stade auquel il se trouve.

 

SPUR™, un modèle unique de compréhension du comportement des patients en matière de santé

 

Le modèle SPUR™ s’est appuyé sur l’ensemble de ces théories, en ajoutant les facteurs psychologiques manquants évoqués plus haut. Il constitue ainsi une « théorie de grande unification » qui combine en une seule les différentes approches établies. Il peut, à ce titre, être utilisé différemment des autres outils. Comme l’explique succinctement Benoit Arnould, directeur de l’équipe « patient-centered outcomes » chez Icon, un partenaire qui a joué un rôle central dans la validation de SPUR™ : D’autres théories se sont concentrées sur la caractérisation du problème de la non-observance thérapeutique, certaines expliquant même au moins en partie pourquoi les patients adoptent certains comportements. L’apport de SPUR™ consiste à identifier les causes sous-jacentes de la non-observance et, à partir de là, trouver des solutions.

 

Les 13 leviers comportementaux, qui font l’objet du présent article, sont les facteurs inclus dans le modèle SPUR™ final, construit à partir des nombreuses théories comportementales élaborées précédemment. Ces facteurs peuvent être classés en quatre grandes dimensions :

1.     Sociale

2.     Psychologique

3.     Usage

4.     Rationnelle

 

Le modèle permet un décodage approfondi de ces quatre catégories de leviers comportementaux liés à la santé. Il permet ainsi de produire un profil comportemental complet de la relation du patient vis-à-vis de sa maladie et de son traitement.

 

Les 13 leviers comportementaux

Les 13 leviers du comportement de santé mesurés par SPUR™ sont énumérés ci-dessous et illustrés par des cas de patients.

 

Dimension Sociale : il s’agit ici des facteurs qui poussent les patients à se comporter conformément à leur rôle perçu dans la société

  • Immédiat : comment les croyances d’un patient concernant son rôle et ses relations dans son entourage immédiat affectent son comportement
    • Exemple : Pierre, jeune étudiant, n’aime pas prendre ses médicaments devant ses amis. Il lui arrive donc parfois de ne pas prendre ses comprimés le midi, lorsqu’il déjeune avec eux.
  • Sociétal : comment les croyances et les attitudes d’un patient concernant les normes sociales affectent son comportement
    • Exemple : Sabrina, une adulte atteinte d’asthme, évite d’utiliser son inhalateur à la salle de sport, où elle est entourée d’inconnus.

 

Dimension Psychologique : ces leviers concernent les attitudes des patients relatives à leur identité, l’autorité et la projection dans le temps

  • Identité : comment le fait de se définir comme « patient » affecte les décisions de santé, voire conduit au rejet de cette nouvelle identité.
    • Exemple : Julia, 45 ans, pratique une activité physique régulière et fait attention à son alimentation. Elle a récemment appris qu’elle avait trop de cholestérol et elle a du mal à l’accepter, car le diagnostic ne correspond pas à la perception qu’elle a d’elle-même.
  • Autorité (Réactance) : comment la tendance qu’a un patient à réagir en réponse à l’autorité (en général, l’autorité représentée par le professionnel de santé) affecte ses comportements en matière de santé
    • Exemple : Lucie n’apprécie pas qu’on lui dise quoi faire, elle aime comprendre les choses par elle-même. De ce fait, elle ne suit pas à la lettre le traitement recommandé par son équipe médicale pour sa maladie auto-immune.
  • Décompte de la valeur future (capacité à se projeter dans l’avenir) : comment la perception par un patient des bénéfices futurs (leur importance et leur probabilité de survenue) affecte ses comportements actuels en matière de santé
    • Exemple : Jacques a tendance à vivre dans le moment présent. Depuis qu’on lui a diagnostiqué une hypertension artérielle, qui ne s’accompagne pas de symptômes notables, il oublie souvent de prendre son médicament.

 

Dimension Usage : ces leviers concernent la capacité des patients à accéder et à suivre un traitement

  • Capacité (efficacité personnelle) : comment les capacités physiques et mentales d’un patient affectent le traitement
    • Exemple : Le traitement prescrit à Alma pour sa polyarthrite rhumatoïde nécessite qu’elle se fasse régulièrement des injections mais, à cause de sa peur panique des aiguilles, elle ne reçoit qu’une partie de ses doses.
  • Oubli : comment les facultés cognitives/l’état mental d’un patient et la complexité du traitement interagissent pour affecter son comportement
    • Exemple : Samantha, 78 ans, suit des traitements pour un prédiabète, une arthrite et un asthme. Elle est supposée prendre 6 médicaments par jour, chacun à une heure différente. Elle en oublie généralement un ou deux.
  • Disponibilité : comment la localisation et l’accès affectent le traitement d’un patient
    • Exemple : Malik vit en zone rurale, à au moins une heure du médecin le plus proche. Les visites fréquentes chez le médecin ou les traitements à l’hôpital engendrent pour lui des problèmes logistiques.
  • Finance : comment les aspects financiers ou autres considérations pratiques affectent le traitement d’un patient
    • Exemple : Jeanne reçoit régulièrement des traitements intraveineux IV à l’hôpital pour son cancer. La plupart des frais médicaux sont remboursés mais en raison de la distance qu’elle doit parcourir pour se rendre à l’hôpital, elle dépense une somme importante dans les trajets en taxi.

 

Dimension Rationnelle : ces leviers concernent les éléments cognitifs et éducatifs qui impactent le comportement (capacité du patient à projeter la balance bénéfices/risques du traitement ou de la maladie sur sa vie)

  • Risque lié à la maladie : comment la perception par un patient de la sévérité de la maladie ou de ses complications futures affecte son comportement
    • Exemple : Karl s’est récemment vu diagnostiquer un diabète. Il ne voit que les fluctuations de sa glycémie et sous-estime les éventuelles complications futures comme les problèmes au niveau de la circulation, de la vue, des reins et du système nerveux.
  • Risque individuel perçu : comment la perception par un patient de son risque individuel vis-à-vis de la maladie affecte son comportement
    • Exemple : Frank a un cancer de la prostate de stade I. Son père a également eu un cancer de la prostate, qui a progressé si lentement qu’il n’a jamais été dangereux. Frank sous-estime donc le risque de progression dans son propre cas.
  • Bénéfices du traitement : comment la perception par un patient des bénéfices potentiels du traitement affecte son comportement
    • Exemple : Sarah a suivi de multiples traitements et régimes différents pour traiter son hypertension artérielle, et elle n’a pas encore trouvé la bonne combinaison. Elle perd confiance dans le traitement et n’a plus envie de le suivre à la lettre.
  • Risques liés au traitement : comment les obstacles ou les effets indésirables du traitement affectent le comportement en matière de santé
    • Exemple : Paula souffre d’ostéoporose. Son traitement lui cause d’importantes douleurs d’estomac. Ses médecins lui disent qu’il faut plusieurs mois avant que le traitement commence à faire effet, mais elle a du mal à persévérer.
 

Mieux comprendre les patients pour mieux les soigner

Chez Observia, nous repoussons les limites de la compréhension du comportement unique et complexe de chaque patient souffrant d’une maladie chronique. En combinant les théories de différents domaines académiques, nous construisons un modèle à même de produire un profil comportemental complet. Les interventions peuvent alors être personnalisées de différentes manières, et toutes les informations pertinentes concernant le patient sont prises en compte.

 

C’est pourquoi tant de scientifiques et de chercheurs ont œuvré au développement et à la validation de SPUR™, un modèle théorique complet du comportement des patients. Voici quelques exemples illustrant les possibilités de personnalisation :

·       Si on sait qu’un patient a tendance à oublier les choses et à résister à l’autorité, on peut lui adresser des rappels fréquents formulés de manière informative et non impérative.

·       Si un patient n’a pas tendance à se projeter dans le futur lorsqu’il prend des décisions, les informations fournies au sujet de son traitement peuvent être axées sur les bénéfices à court terme.

·       Un patient qui sous-estime la gravité de la maladie ou son risque individuel vis-à-vis de cette maladie peut se voir adresser des rappels informationnels fréquents des conséquences probables s’il choisit de ne pas suivre son traitement.

 

Comme nous l’avons montré ici, les professionnels de santé peuvent utiliser directement les informations fournies par SPUR™ pour améliorer la vie de leurs patients.

 

SPUR™ est une véritable révolution dans le domaine de la santé et sa nature digitale permet d’envisager un nombre incroyable d’applications. SPUR™ peut être utilisé isolément dans le cadre d’une consultation médicale ou être intégré à des solutions digitales destinées au patient. SPUR™ peut même être utilisé comme un outil anthropologique afin de mieux comprendre les motivations de populations particulières de patients. Il peut potentiellement permettre d’améliorer la qualité de vie de patients issus de cultures diverses et souffrant de maladies différentes, tout en réduisant les coûts de santé à l’échelle mondiale. C’est la grande contribution de SPUR™.